Sheila Bunwaree, l’une des principales têtes pensantes du MMM, faisant partie du “Think Tank” des Mauves a enfin décidé de sortir de son mutisme par le biais d’une lettre ouverte pour donner les “vraies raisons”, d’avoir claquer la porte au MMM. Elle égrène 42 raisons de sa démission de ce parti politique. Les unes étant plus pertinentes, voire plus fracassantes que les autres, l’ancienne responsable du Policy Council, cloue au pilori le leader, Paul Bérenger.
“Depuis environ 3 ans, il n'y a aucun débat au niveau du MMM. Nous entendons parler d'un manifeste/programme en cours de préparation par une petite équipe, mais il n'y a pas d'autres informations et/ou discussions avec les membres du BP et/ou les citoyens d'ailleurs”, martèle Sheila Bunwaree, professeure de sociologie/études du développement. “L'annonce de certaines mesures de manière décontextualisée et populiste, sans la pensée critique nécessaire et une philosophie sous-jacente, n'a pour moi aucun sens”, ajoute-t-elle. Elle argue que le pays est à tournant de son histoire sociopolitique, où il est “le plus crucial de repenser le modèle de développement économique, de réhabiliter et réinventer notre système politique, de revoir la constitution et de repense notre société.” Sheila Bunwaree déplore que le MMM démontre une résistance aux idées novatrices et empêche toute voix alternative de surgir.
“Après le COVID 19, j'ai tenté de relancer le ‘’Policy Council’’ que je dirigeais et j'ai suggéré un certain nombre de nouvelles commissions, sur plusieurs thèmes clés, dont une sur la « Constitution et le constitutionnalisme ». Non seulement je n'avais pas le soutien de BP, mais j'ai même été ridiculisé par certains”, écrit elle avec amertume.
En revanche, Sheila Bunwaree dit noter que seule Commission Développement Durable et elle tient à louer le travail avec assiduité des jeunes qui dirigent ladite commission.
Elle craint que l'absence de cohérence et d'unité au sein de l'opposition, en particulier la mise à l'écart des talents et des perspectives des jeunes et des femmes, ne nuise au pays. “Une telle opposition fracturée n'aidera pas à éjecter le système archaïque et pourri dont beaucoup d'entre nous souhaitent se débarrasser”, estime Sheila Bunwaree.
Elle dénonce que le MMM n'est pas ouvert à la discussion de l'idée d'une opposition unifiée et d'une pluralité d'idées. “Ce dernier signifierait plus de « sacrifices ». Mais, où sont les vrais patriotes pour faire de tels sacrifices ? Pourquoi devrait-il toujours s'agir de ceux qui n'ont jamais eu l'occasion de servir et qui sont pourtant pleins d'idées novatrices et de passion pour une nouvelle île Maurice ?”, se demande-t-elle.
Sheila Bunwaree maintient qu’elle n'adhère pas aux “méthodes archaïques, infusées par la « RealPolitik » de Bérenger pour présenter des candidats.” Tout en exigeant plus de compétence, plus d'intégrité, plus d'unité pour Maurice 2024 exige, la démissionnaire insiste: “Les divisions, les politiques ethniques et de castes doivent être éliminées - c'est aux politiciens de montrer la voie.”
Sheila Bunwaree dénonce que le Bureau politique du MMM a refusé d'ouvrir un “débat honnête” sur la question de la « sousreprésentation des femmes/surreprésentation masculine » en politique, alors qu’elle l'appelait de ses vœux, voici quelques semaines. “J'ai de nouveau fait l'objet d'une certaine forme de dénigrement et j'ai répliqué. Paul Bérenger n'était pas content du tout”, déplore-t-elle.
Le MMM, indique-t-elle, qui se dit féministe, aligne trop peu de candidates aux prochaines élections. “Le parti ne semble pas le moins du monde préoccupé par la « sous-représentation » des femmes. Ce dernier a été décrit par le juge Albie Sachs et beaucoup d'autres comme un « déficit démocratique flagrant », mais qui s'en soucie ? Pas même Arianne Navarre Marie, ancienne ministre des Droits des femmes”, s’insurge Sheila Bunwaree.
Elle souligne que sa déception à l'égard d'Arianne Navarre Marie, une femme, membre senior du BP, ancienne ministre de l'Égalité des sexes, qui en 2024, affirme que le parti « fait son maximum », avec ses 5 candidates dérisoires .
“La manière dont la présidente de l'aile féminine a été traitée, et qui a conduit à sa démission, ne m'a pas plu. Ce qui se déroulait était inacceptable à mes yeux. D'autres femmes qui ont quitté le parti se sont également senties humiliées et se sont confiées à moi dans le passé”, confesse Sheila Bunwaree.
Elle dénonce que le MMM, comme un certain nombre d'autres partis traditionnels, “veut le vote des femmes et « utilise » les femmes membres pour se mobiliser, renforcer les structures patriarcales du parti et pourtant ne souhaite pas partager le pouvoir avec elles pour une Maurice meilleure, plus inclusive et moins violente. Le MMM persiste dans son aveuglement insensible au genre.”
Sheila Bunwaree ne mâche pas ses mots: “La tentative du parti de tromper les femmes, en suggérant qu'il faut attendre une réforme électorale (qui n'arrivera peut-être jamais) pour obtenir une meilleure représentation des femmes en politique, est inacceptable. En 2024. Bérenger lui-même avait souligné que la question de la représentation des femmes devait être dissociée du débat sur la réforme électorale. C'est dans le hansard. Je le lui ai poliment rappelé, inutile de dire que cela a provoqué la fureur.”
Elle estime que sa lutte pour qu'au moins un tiers des femmes se présentent aux prochaines élections (de préférence une par circonscription), en particulier à une époque, “où l'on reconnaît de plus en plus que les politiques doivent être élaborées en tenant compte de l'égalité des sexes, semble être tombée dans l'oreille d'un sourd.” “L'ONU a clairement souligné ce point, d'autant plus maintenant que les progrès réalisés sur l'SDG 5 - Égalité des sexes s'érodent rapidement”, rappelle la démissionnaire. “Les intérêts immédiats ont préséance sur la nature et la qualité de la démocratie”, martèle Sheila Bunwaree.
L'absence de méritocratie et de démocratie au sein du parti l'inquiétait de plus en plus. “En tant que membre du BP, j'avais l'impression que ma voix était de plus en plus étouffée. J'ai même été avertie au sujet de mes écrits dans la presse, en particulier au cours de l’année dernière. Certains membres du parti m'ont dit que des gens qui me considéraient comme une « menace » avaient réussi à empoisonner l'esprit du leader contre moi”, affirme la démissionnaire.
Elle confie que Paul Bérenger l'a décrit comme une « référence » dans le passé et qu’il n'a fait que des éloges pour elle lorsque avait refusé d'aller dans la circonscription n° 17 pour les élections de 2019, cela malgré le fait qu’elle savais qu’elle n'allait pas être élue au circonscription n° 11. “ Mais Bérenger n'aime pas qu'on lui rappelle certaines vérités. J'ai commencé à me demander comment le MMM pouvait prétendre promouvoir la méritocratie et la démocratie dans la société au sens large alors que le parti lui-même devient de plus en plus antidémocratique”, dit-elle.
Elle déplore que la lettre qu’elle a écrite à Paul Bérenger, voici quelques semaines, “soulignant mon dévouement, mon travail acharné et mon engagement, lui demandant humblement de me présenter comme candidate au n° 17, ou dans d'autres circonscriptions que j'ai proposées comme options alternatives, est tombée dans l'oreille d'un sourd. Il n'était même pas ouvert à une discussion.” De ce fait, elle confie: “J’ai eu le sentiment que mon droit légitime d'être candidate et d'avoir ainsi la possibilité de servir le pays était écrasé”.
Dans la conjoncture, elle dit: “Je considère que le désir de ceux qui croient qu'ils doivent être candidats pour toujours, bloque la voie du changement et du renouveau. J'ai pris l'engagement que si jamais je suis élue, je devrais trouver quelqu'un pour me remplacer après un ou deux mandats”.
Elle souligne que quelques personnes qui connaissaient “ma frustration croissante m'ont demandé de rester, arguant qu'il y avait d'autres façons de servir son pays et qu'on me donnerait des récompenses importantes. J'ai trouvé cela encore plus odieux : « ... c'est mal me connaître de croire que mon désir de servir pourrait être déterminé par des récompenses semblables. »
Poursuivant sa diatribe, Sheila Bunwaree maintient: “Je ne suis pas une « Bérengiste ». Je l'ai déjà dit. J'étais l'une des rares à parler quand c'était nécessaire, tandis que la plupart des autres se taisaient et suivaient la ligne de Paul Bérenger.”
Toutefois, Sheila Bunwaree a fini par se résigner: “Dernièrement, j'avais cessé d'élever la voix – l'atmosphère était devenue trop étouffante et toxique !” Cela avant de s’insurger: “Ce n'est pas l'idée que je me fais de la façon dont les partis politiques devraient fonctionner et je ne peux pas tolérer l'idée que les partis politiques devraient devenir la propriété privée du chef.”
Pis encore, elle dénonce l’hypocrisie et le prétendu cynisme de certains. “Le comble de tout cela, c'est quand certaines personnes qui sont en politique depuis très longtemps me disent de leur propre bouche qu'elles sont « devenues cyniques à l'égard de la politique » et que le fait d'être expulsés (“ordered out”) du Parlement par le Speaker leur donne souvent le temps de s'occuper de leurs familles, etc., et qu'elles ne sont plus intéressées à se présenter aux élections. Et puis, à l'approche des élections, ces mêmes gens-là vous disent : « Ils ont une passion pour la politique et ils vont se représenter.»
En revanche, Sheila Bunwaree dit être réconfortée suite à sa démission du MMM, surtout après avoir entendu les mots utilisés par Bérenger à son égard commentant ma démission. “Aucun être humain, en particulier les femmes qui luttent dans un domaine dominé par les hommes comme la politique, ne devrait être soumis au dénigrement, à l'humiliation ou à toute forme de violence, verbale ou autre”, insiste-t-elle. “Bérenger devrait savoir que la culture machiste dont il est imprégné appartient à une autre époque et que la dignité humaine doit primer sur tout”, conclut Sheila Bunwaree.
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MMM: Sheila Bunwaree égrène 42 raisons de sa démission
