Maurice et la géopolitique : gouverner, c’est prévoir !

Maurice et la géopolitique : gouverner, c’est prévoir !

Le grand patron de presse et homme politique français du 19e siècle, Émile de Girardin, avait pour habitude de dire : « Gouverner, c’est prévoir ». Il ajoutait même : « Ne rien prévoir, ce n’est pas gouverner, c’est courir à sa perte. » La réponse par le Premier ministre, hier, à la Private Notice Question du leader de l’opposition, vient illustrer cet adage, avec un gouvernement qui prévoit l'avenir. On sait désormais que l’Inde, pays ami de Maurice, finance à la hauteur de Rs 8,8 milliards la totalité des travaux d’infrastructures en cours actuellement à Agalega. L’occasion pour nous de replacer ce geste mais aussi la décision politique derrière ces travaux dans un contexte géopolitique changeant.

Le monde bouge. Les grandes puissances traditionnelles rencontrent des mutations et des changements alors que de nouvelles forces émergent ou sont en train de se former. La bipolarisation USA-Russie n’est plus l’unique baromètre qui dicte la donne de la politique mondiale. Le nationalisme pur et dur cède du terrain au profit d’ententes régionales ou historiques, lesquelles regroupent des pays unis par une destinée commune ou des intérêts communs.

Nous connaissons l’Union européenne, l’Union africaine, les Nations unies ou encore des regroupements d’intérêts de stratégies défensives tels que l’OTAN. Nous connaissons moins les BRICS, c’est-à-dire l’union diplomatique entre le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. Ces pays veulent affirmer la place majeure qu’ils désirent occuper sur la scène internationale, en mettant l’accent sur leurs poids politique et économique. Avec pour mission de se démarquer de l’axe USA-UE. Nous voyons ces jours-ci, avec la guerre en Ukraine, l’illustration de ce « power game ».

Il y a aussi le Conseil de coopération des États arabes du Golfe (CCG), qui regroupe six monarchies arabes et musulmanes du Golfe persique : l’Arabie saoudite, Oman, le Koweït, Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Qatar. Le CCG est notamment resté silencieux sur l’invasion russe de l’Ukraine. Il est bon de savoir que ces pays ont des liens économiques et sécuritaires avec la Russie, laquelle investit massivement dans le Golfe (plus de 5 milliards de dollars en 2021, en termes de commerce).

Il y a d’autres organisations géostratégiques de ce genre qui se mettent en place de par le monde. Ce qui fait que des dirigeants de pays trop faibles économiquement, ou par rapport à leurs superficies ou positionnements géographiques jugés trop insignifiants ou de moindre importance, ont appris à prévoir. Prévoir qu’il faut changer de mentalité s’ils veulent que leurs pays s’adaptent aux nouvelles configurations mondiales et s’ils veulent pouvoir gouverner dans la sérénité et en toute sécurité. C’est le cas pour le gouvernement mauricien.

Car gouverner, c’est aussi savoir reconnaître ses amis. Nous avons tendance, ici à Maurice, à vivre sur notre passé. Oui, nous avons des amis comme la France ou l’Angleterre. Mais nous les aimons surtout plus par rapport à la nostalgie d’un passé colonial qui n’a plus sa raison d’être au 21e siècle. Les nouveaux maîtres du jeu géopolitique, outre l’UE ou les USA, se nomment Chine et Inde, pour ne citer que ces deux puissances qui connaissent une influence grandissante dans notre région.

Nous, Mauriciens, nous devons aussi nous ouvrir au monde et comprendre les luttes d’influence que se livrent même des pays unis au sein d’une association stratégique. Membres des BRICS, l’Inde et la Chine se livrent pourtant une guerre sournoise sur le continent africain, par exemple. C’est à qui investira le premier ou le plus dans tel ou tel pays de la région. Il fut un temps où la Chine était un de nos partenaires privilégiés. Depuis quelques années maintenant, nos dirigeants se sont tournés vers l’Inde (pays de peuplement) pour nous aider dans notre développement.

Nos dirigeants ont compris qu’il nous faut un allié solide et puissant si nous voulons continuer à exister et à prospérer dans le futur. Sans tourner le dos à la Chine ou à l’UE, qui continuent eux aussi à nous soutenir, notre gouvernement s’appuie sur l’aide indienne pour ses besoins infrastructurels, tel le Metro Express, ou sécuritaire. Il semble cependant que certains de nos politiciens n’ont pas encore compris le sens de notre évolution géopolitique et de l’adage « gouverner, c’est prévoir ». Oui, l’Inde est un pays ami. Un de ceux qui nous épaulent et qui a à cœur l’intérêt national de Maurice.

Sunil Gohin, CEO de Wazaa FM et d’Inside News

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