Affaire Bruneau Laurette : une libération provisoire qui interpelle

Même si les partisans de Bruneau Laurette ont le droit d’exulter, il est aussi démocratiquement acceptable que d’autres personnes ne soient pas satisfaites devant la tournure que l’affaire Laurette...
Affaire Bruneau Laurette : une libération provisoire qui interpelle

Ainsi donc, le Directeur des poursuites publiques a décidé de ne plus objecter à la remise en liberté conditionnelle de Bruneau Laurette. Si cette libération sous caution redonne le sourire aux partisans de l’activiste politicien, elle laisse chez d’autres un sentiment mitigé, qui interpelle. Bruneau Laurette, rappelons-le, est sous le coup de trois accusations provisoires : possession de plus de 40 kilos de haschisch, d’une valeur estimée à plus de Rs 200 millions, possession d’armes à feu et blanchiment d’argent. Des accusations graves, comme la justice elle-même le laisse entendre. La magistrate en charge de l’enquête a décidé d’accorder la liberté au prévenu Laurette et après l’objection du bureau du DPP, mardi dernier, on croyait que le DPP allait tout faire pour maintenir sa position ce lundi. Sauf que cela n’a pas été le cas.

Avec tout le respect que nous avons pour la justice dans ce pays, on peut néanmoins se poser des questions quant au précédent créé par la décision du DPP de ne plus objecter à la remise en liberté d’une personne sur laquelle pèse de graves accusations de possession de plus de Rs 200 millions de drogue, entre autres. L’enquête policière dans ce cas n’est pas encore bouclée. Même la magistrate du Tribunal de Moka avait dit dans son jugement de mardi dernier qu’il existe un risque de fuite de Bruneau Laurette si ce dernier obtient la liberté provisoire. C’est pour cela qu’elle a imposé des conditions de libération bien strictes.

Voyons ces conditions imposées à Bruneau Laurette : deux cautions de Rs 1 million chacune, une caution de Rs 50 000, une reconnaissance de dettes de Rs 50 millions, deux pointages par jour à un poste de police – entre 6 heures et 11 heures et entre 15 heures et 19 heures, un couvre-feu en vigueur entre 20 heures et 5 heures du matin, il doit informer la police de toutes ses activités, ses déplacements seront suivis par GPS sur son téléphone, il ne peut pas passer des appels internationaux, et il ne doit pas s’approcher d’une plage à moins de 500 mètres.

Même si les partisans de Bruneau Laurette ont le droit d’exulter, il est aussi démocratiquement acceptable que d’autres personnes ne soient pas satisfaites devant la tournure que l’affaire Laurette a prise aujourd’hui. Certains ont le droit de se poser des questions. De penser à ces policiers qui se démènent matin, midi et soir pour mettre des criminels de tout acabit derrière les barreaux et qui font de leur mieux pour rendre la société plus sûre et mieux sécurisée. De penser à leur découragement et à leur inquiétude de voir des heures et des semaines de travail qui risquent de partir en fumée si ces personnes sont remises en liberté provisoire.

De penser à ces membres du public qui, peut-être, pourraient avoir le sentiment que le DPP les a laissé tomber avec cette décision, car il est l’un des remparts de la justice, un rempart dont le devoir est de se battre pour que justice soit rendue. De penser aux victimes de crimes en tous genres, allant des cas de viols, de vols, de trafic de drogue jusqu’au meurtre, qui pourraient perdre espoir ou confiance. De penser que ces gens-là pourraient vivre dans la peur de voir des criminels remis en liberté conditionnelle. De penser aux témoins qui pourraient ne plus avoir envie de témoigner, par crainte de subir des pressions. De penser aux risques que certains ne falsifient, ne manipulent ou ne détruisent des preuves ou qu’ils ne quittent le pays. De penser à la somme de travail additionnel que des policiers n’auraient rien qu’à suivre et qu’à surveiller des prévenus libérés sous caution. De penser à leur découragement…

On peut aussi se poser la question de savoir si la police a les moyens de contrôler et de suivre toutes les conditions de la remise en liberté de Bruneau Laurette. La police peut-elle vraiment suivre Bruneau Laurette à la trace, 24 heures sur 24 ? Pour la traque par GPS, si son téléphone se trouve en possession de quelqu’un d’autre et que le prévenu soit ailleurs ? Comment s’assurer que le couvre-feu imposé entre 20 heures et 5 heures du matin soit vraiment respecté ? Va-t-on vraiment pouvoir contrôler qu’il se trouve à plus de 500 mètres de nos côtes ? Des questions légitimes qui demandent des réponses rassurantes. Mais est-on vraiment rassuré ? Attendons le « main case » pour connaître le véritable dernier mot de l’affaire Bruneau Laurette. La quête de la vérité demeure la priorité du peuple.

Sunil Gohin                            

CEO de Wazaa FM et d’Inside News

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