État laïc : faire la différence entre religion et culture

On peut se permettre la réflexion suivante : où se situe la séparation entre la laïcité et la religion dans l’État laïc qu’est Maurice ?
État laïc : faire la différence entre religion et culture

La récente prise de parole du chef de l’Eglise catholique à Maurice, le cardinal Maurice Piat, interpelle. On ne sait au juste qui du cardinal Piat (représentant la communauté catholique de Rome dont le pape est l’évêque et qui agit comme collaborateur ou ambassadeur du pape), ou de l’évêque du diocèse de Port-Louis (chef religieux des catholiques de Maurice) ou du citoyen Maurice Piat s’est exprimé dans un discours éminemment politique, où il donne son opinion sur des sujets qui touchent, entre autres, à l’administration du gouvernement. Le cardinal Piat (ou serait-ce le citoyen Piat ?) s’exprime sur la séparation des pouvoirs et sur ce qu’il qualifie de critiques envers un magistrat ou le DPP. Oui, nous sommes en démocratie mais néanmoins on peut se permettre la réflexion suivante : où se situe la séparation entre la laïcité et la religion dans l’État laïc qu’est Maurice ?

Si certains évoquent la loi sur la sédition quand il s’agit de critiquer l’administration judiciaire, n’oublions pas que cette même loi est aussi explicite en ce qu’il s’agit des critiques ou outrages portées contre le gouvernement. Le gouvernement à Maurice est démocratiquement élu par le peuple, à une majorité, pour diriger le pays pendant une période de cinq ans. La séparation des pouvoirs est très claire à Maurice : le Législatif, l’Exécutif et le Judiciaire ont des responsabilités et des caractéristiques bien définis. Leur indépendance est garantie sous la Constitution.

Le fait est que nous sommes un État laïc, qui assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinctions d’origines, de races ou de religions. Notre laïcité garantit l’impartialité de notre pouvoir politique en séparant l’État et la religion. Les organisations religieuses, toutes religions confondues, doivent donc observer une retenue devant la neutralité de l’État et éviter de s’ingérer dans le mécanisme de gestion de ses affaires. Mais cela vaut aussi pour le gouvernement, lequel doit éviter de financer ou de subventionner les religions ou de s’impliquer dans leurs gestions internes.

C’est pourquoi il est important de savoir faire la distinction entre religion et culture. Chose qui n’est pas vraiment facile et évident à Maurice, où l’on a souvent tendance à mélanger l’une à l’autre et à les confondre. N’est-il pas temps dans l’île Maurice de 2023 que l’État laïc cesse de subvenir aux besoins des organisations religieuses et réoriente cet argent plutôt vers la préservation de nos cultures et la consolidation des échanges interculturelles ? Finançons des recherches et des études sur nos différentes cultures, sur notre diversité culturelle afin d’éviter que ces mêmes cultures ne meurent.

On sait que la politique a tendance à caresser les organisations socioculturelles dans le sens du poil, par esprit de clientélisme politique. Mais si ces associations privilégient plus le côté religieux aux dépens de la culture, l’État a-t-il l’obligation morale de continuer de les financer ? N’est-il pas temps que nos politiciens s’émancipent des religions (que chacun est libre de pratiquer en privé) pour investir massivement dans la préservation et la démocratisation de nos cultures ?

Quel Mauricien ne voudra pas connaître et découvrir plus sur la culture et l’histoire de son voisin ? Qui refuserait de mieux comprendre d’où venaient ses ancêtres ? Pourquoi ne pas mieux étudier nos pays et régions de peuplement, Inde, Afrique, Europe, Chine, entre autres ? Pourquoi ne pas tout faire pour préserver nos langues et coutumes ancestrales ? Finançons la culture, les cultures. Et évitons de subventionner avec l’argent public les corps religieux du pays. C’est ça la véritable séparation entre le pouvoir politique et la religion. C’est ça le concept de la laïcité.

Maurice est un « melting pot ». Nous sommes les enfants de milles races. Nos grands-parents, bien que peu éduqués pour la plupart, ont néanmoins vécu en harmonie toutes communautés et toutes cultures confondues. Chacun pratiquait sa religion dans le respect de l’autre, sans avoir à faire étalage d’une quelconque supériorité religieuse aux dépens d’une autre. Pourquoi de nos jours ce n’est plus vraiment le cas ?

Nous n’avons qu’à observer les réseaux sociaux ces jours-ci pour voir les multiples tensions qui y règnent. L’heure est à l’apaisement et la compréhension de l’autre. Évitons tout ce qui peut blesser ou humilier l’autre. Que chacun s’occupe de ses affaires, le religieux de la religion, le politicien de la politique et ce pays respirera un peu mieux. Dans le respect de nos cultures et dans la discrétion de nos religions.

Sunil Gohin                                   

CEO de Wazaa FM et d’Inside News

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